samedi, septembre 22, 2007

Le cinéma de grand papa

Le dernier film d'Eric Rohmer, Les Amours d'Astrée et de Céladon, sélectionné à la Mostra de Venise vient de sortir.

Comme nous le savons tous maintenant, c'est l'adaptation de l'Astrée d'Honoré d'Urfé, auteur français du 17° siècle de ce roman pastoral.

On a appris hier après midi que le Conseil Général de la Loire attaquait en référé le producteur distributeur du film pour faire supprimer un avertissement au spectateur projeté au début du film qui léserait gravement les intérêts de la région du Forez où se place l'action du roman.

Le texte incriminé est le suivant : "Malheureusement, nous n'avons pas pu situer cette histoire dans la région où l'avait placée l'auteur ; la plaine du Forez étant maintenant défigurée par l'urbanisation, l'élargissement des routes, le rétrécissement des rivières, la plantation des résineux. Nous avons dû choisir ailleurs en France, comme cadre de cette histoire, des paysages ayant conservé l'essentiel de leur poésie sauvage et de leur charme bucolique."


J'ai toujours été intéressé par les films d'Eric Rohmer, vieux cinéaste de 87 ans, toujours jeune. Du côté des vieux messieurs, il y a bien sûr une certaine connivence.

A la suite de l'annonce de cet épisode judico-médiatique lue sur le site du Monde, je me suis donc un peu lancé dans une recherche sur le Net, en particulier sur le cadre du roman, le Forez , et en particulier le Lignon de Forez, la rivière où se jette Céladon, le héros masculin du roman.

Le Château de la Bâtie d'Urfé,

Le Pays d'Astrée:

sur ce dernier site figure une version numérisée du roman..; je ne résiste pas à vous en copier un court passage en vers.


STANCES

Belles onde de Lignon que j’enfle de mes pleurs,
Campagnes qui sçavez quelles sont mes douleurs,
Tesmoins de mes ennuis, ô Forests solitaires,
Echo de qui la voix respond à mes accens,
Air remply de souspirs et de cris languissants,
Ayez part à mon heur comme à tant de miseres.

De tempestes tousjours le mont de Marcilly,
Quoy qu’il soit eslevé, n’a le dos assailly,
Tousjours impetueux Lignon ne se courrouce,
L’espoir de nos moissons ne nous deçoit tousjours,
Par divers changements s’entresuivent noz jours,
Et d’un bransle divers, le temps mesme se pousse.

Ma bergere dormoit, mais autour de ses yeux,
Mille petits amours voletoient soucieux,
A trouppes les desirs sur sa lévre jumelle
Accouroient murmurant, comme fantosmes vains,
Et ces desirs naissoient des amoureux Sylvains,
Qui ne virent jamais une nymphe si belle.

Heureux, ah ! trop heureux tous mes ennuys passez !
Vous estes à ce coup trop bien recompensez,
Puis que je l’ay peu voir avant que je finisse ;
Mais s’il ne te plaist pas de changer son desdain,
Je te supplie, Amour, fay moy mourir soudain,
De peur qu’en languissant mon heur ne s’amoindrisse.

En sa course Lignon reflote moins de fois,
Nos champs jaunissent moins, Isoure a moins de bois,
Et moins de voix Echo, bien qu’elle soit son ame,
Moins d’eslans a cet air d’un grand vent agité,
Que mon cœur n’a d’amour, ma nymphe de beauté,
Que mon amour de foy, que sa beauté de flame.


"J'adore. Et vous ?"