mercredi, février 13, 2008

Le cinoche d'après la Libération.

C'est le cinéma de notre enfance.

Les banquettes de bois, dures aux fesses, se relévent en claquant bruyamment, au Gymnase ou au Kursaal de Calais, les "cinémas à puces" des quartiers populaires. Les fauteuils plus rembourrés du centre ville sont venus plus tard.

A l'école, au collège, on nous a emmené parfois: "Jeux interdits" de René Clément, "Le Père Tranquille avec l'acteur Noël-Noël"; le premier montre l'exode des populations, le deuxiéme la résistance discrète durant la guerre 39-45, qui vient de se terminer.

Au catéchisme on a le droit aux grands hommes charitables : Monsieur Vincent (St Vincent de Paul) avec Pierre Fresnay. Mais aussi aux "Tintin" transformés en films fixes: ma première vision des Dupond-Dupont et du professeur Tournesol a lieu sur écran, dans une salle obscure de patronage...Chaque paroisse avait sa salle paroissiale pour passer des bons films ou voir de bonnes pièces de théâtre jouées affreusement par des amateurs (nous l'avons fait).

Dans ce contexte de souvenirs, Annick a rassemblé, au hasard d'un catalogue de DVD, deux films presques contemporains, un français, l'autre américain, que nous venons de regarder ces dernières soirées.



Coincidence: au moment où j'écris ce texte, sur le site du Monde, la nouvelle de la mort d'Henri Salvador vient de tomber. Or il figure en bonne place dans la distribution du film français "Mademoiselle s'amuse", puisqu'il est dans l'orchestre de Ray Ventura, un orchestre de jazz fort connu à l'époque. H.S. est alors encore au début de sa carrière, le film étant sorti en 1947.

Point commun entre les deux films, il met en scéne des Américains après la Seconde Guerre Mondiale; ceux qui ont débarqué et libéré la France deux ou trois ans auparavant. Ils ne peuvent être que sympathiques, entreprenants, pleins de joie et d'ardeur.

La vie est belle (1946) montre bien ce qui est considéré comme des valeurs: la famille unie, les affaires "honnêtes", la réussite personnelle après des débuts modestes, la présence divine (l'ange gardien..). L'homme malhonnête ne peut lutter contre ces valeurs de l'Amérique profonde.

Mademoiselle s'amuse (1947) expose l'attrait de la France, celle des divertissements de Paris et de ses artistes,chez les riches Américains: celle là même qu'on trouve au début de la Vie Parisienne d'Offenbach où les étrangers viennent à Paris pour s'amuser. Pour nous c'est l'occasion de revoir les rues de Paris sans voitures, de redécouvrir le swing, de réentendre des succés impérissables entendus mille fois dans le poste de T.S.F. Le scénario est débile, seulement fait pour mettre en valeur Ray Ventura et ses collégiens. Les nombreuses scènes où ils interviennent sont un régal.

Dans les deux cas le rêve américain est bien visible dans "La vie est belle", seulement évoqué dans "Mademoiselle s'amuse". Que de chemin a été parcouru depuis ces années dans la représentation que l'on peut se faire tous les jours des Etats-Unis et de ses habitants, lorsque comme nous, on reste en France et qu'on a peu voyagé dans le monde.

Que de changements aussi dans le cinéma depuis cette époque où sortir assez rarement pour voir des images animées en noir et blanc était un plaisir, une distraction inhabituelle et même une récompense. Il est vrai que ces deux films sont remplis de joie de vivre et d'optimisme...On venait de vivre une période douloureuse.

Et finalement pour nous, c'est un peu retrouver de ce plaisir que nous avons eu, de nous installer devant le petit écran pour initier, avec une certaine cérémonie, la lecture des DVD, et se préparer à voir ou revoir des images qui ont maintenant leur histoire.

1 Comments:

Blogger AnnJa said...

Dans le même sens, on peut lire la réaction de Boris Cyrulnik,
Une "gentillesse" trop brutale, par Boris Cyrulnik
sur LE MONDE | 19.02.08

mardi, 19 février, 2008  

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