vendredi, février 10, 2006

Outreau 3





Les vieilles machines françaises sont essouflées..Nos élus ont tellement les yeux fixés vers l’avenir, qui à juste raison les inquiète, qu’ils oublient de regarder autour d’eux comment elles fonctionnent, et quand elles tombent en panne, quand un scandale éclate, ils s’étonnent et nomment une commission. Combien de rapports de commissions innovants dorment dans des archives de ministères?

Ces vénérables machines, la justice, comme l’éducation et bien d’autres encore fonctionnent donc comme elles peuvent, avec les moyens, parfois dérisoires que nos dignes représentants leur donnent. La justice a dérapé dans l’affaire d’Outreau; et l’on découvre au hasard des témoignages sous serment les habitudes, parfois effarantes, de cette vieille dame: les jeunes juges,au sortir de leur formation, comme les jeunes professeurs sont surtout nommés dans le Nord et dans l’Est, terres sans soleil, l’accoutumance au soleil étant réservée plutôt aux personnes approchant de la retraite; le doyen des juges d’instruction de Boulogne appartenait à la promotion de l’Ecole Nationale de la Magistrature précédant celle du jeune juge ayant instruit l’affaire; celui ci avait été nommé à Boulogne sur mer avec une de ses camarades de promotion; comme le disait Guy Lengagne, député maire de la ville, il y avait donc trois “gamins” comme juges d’instruction. Cela rappelle les classes difficiles confiées dans l’académie de Créteil aux jeunes enseignants au sortir de l’IUFM. Quel est ce pays qui s’organise si mal qu’il utilise si mal l’expérience des anciens tout en plaçant les jeunes en situation à haut risque.

Tout a été dit dans les médias sur le jeune juge, sa prestation maladroite et son élocution hésitante. Aucune comparaison possible avec la parole aisée des acquittés. Lui a fait fonctionner la machine Justice, comme on lui a appris probablement à l’Ecole.. Sans état d’âme, sans avoir ce “gingin” comme disait ma mère qui permet d’anticiper les conséquences de ses décisions, sans voir que le métier de juge, comme le métier d’enseignant brasse de la pâte humaine, et que cette pâte est vivante, qu’elle réagit Qu’a t’il pu penser quand un des acquittés ne sachant plus comment se défendre dans son cabinet, lui chante la Marseillaise.? Comment ne pas se poser de question lorsqu’un des accusés , emprisonné, grossit de quatre vingt kilos en détention ? Comment peut on inculper un handicapé profond incapable d’autonomie dans la vie courante ?

Le procureur de la République entendu aujourd'hui est un magistrat averti; il explique très bien la complexité de la situation, décrit celle ci basée sur les dires d’enfants, la difficulté de déceler la part de vérité, la confiance excessive face aux expertises . Il n’empêche: lui et le jeune juge sont responsables du dossier amené devant la cour d’assises, et validé par des magistrats, au nombre de 64, parait-il, contraints de par la faiblesse des moyens de la Justice à pratiquer avec virtuosité la technique du copier-coller ; comme dans les techniques de recherches actuelles de nos lycéens sur Internet, celle ci permet de gagner du temps et de tempérer les efforts. Dans les deux cas elle court-circuite la réflexion .

Cet habile homme de procureur au vocabulaire nuancé et subtil, n’a pu non plus expliquer le renvoi de l’accusé handicapé devant la cour d’assises et il a tout de même contribué à la condamnation de six innocents au premier procès de St Omer; ainsi les hommes d’expérience, manquant parfois cruellement de “gingin”, se trompent encore et choisissent mal leurs priorités. Sans compter l’utilisation maladroite? erronée ? du concept de “mythe” dans son exposé au lieu et place du concept de représentation sociale.

Il y aurait encore beaucoup à dire encore après ces travaux de la commission sur la Chaîne Parlementaire. J’ai appris beaucoup sur le déroulement de cette Justice qui peut envoyer par erreur des hommes et des femmes en prison. J’ai fait passer deux ou trois fois le BEPC à l’ancienne prison d’Avignon: odeur des locaux, crasse au sol, bruits métalliques, cris ...etc. Indigne au pays des Lumières!